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30 septembre 2008 2 30 /09 /septembre /2008 16:02

CONVAR1474

 

CHILI.

 

La Cordillère des Andes vous retourne le plus gaillard des voyageurs. L’altitude et ces mètres qui se comptent ici en milliers aiment jouer sur l’organisme de l’Européen en vadrouille. Nous allons en faire l’expérience. Au petit-déjeuner, entre une tartine de pain grillée et un café soluble, notre décision est prise : nous partons pour Colchane, minuscule village perchée à près de 4.000 mètres d’altitude, poste-frontière entre le Chili et la Bolivie. La veille, nous pensions partir visiter Pisagua, vieux village en bord de mer. Mais nous voulons tous les deux partir s’isoler, sans trop de raisons. Un sentiment partagé, voilà tout. La nuit porte conseil.

 

Dans le bus détraqué qui nous mène à Colchane, nous sommes les deux seuls touristes. Un simple regard vers nos voisins de sièges nous confirme que nous changeons de Chili. La population blanche ou métissée est ici en minorité. La Cordillère des Andes est le domaine des Indiens. Cinq heures de trajet et un nombre incalculable de nids de poules et de virages plus tard, nous voilà arrivés. A peine sommes-nous descendus du véhicule que les premiers effets de l’altitude se font déjà sentir : le souffle est vite coupé. Cinq cent mètres pour rejoindre la seule auberge du village, et nous avons l’impression d’avoir péniblement couru pendant une demi-heure. Surprenant.

 

CONVAR1426S’apercevant visiblement à nos mines fatiguées que nous ne sommes guère des habitués de l’altitude, la famille qui gère le petit hôtel nous offre une infusion à base de coca en guise de bienvenue. La coca, plante sacrée de la Cordillère des Andes. Et si controversée.

 

Malgré la coca, la première nuit en altitude a été difficile. L’étrange impression de manquer d’air et d’étouffer vous réveille en sursaut. L’oxygène est denrée rare dans le coin.

Les premiers efforts de la journée sont plus durs qu’à l’accoutumée. On vieillit de dix ans à quatre mille mètres… Mais le corps s’acclimate peu à peu, et nous partons marcher dans le parc national situé à quelques kilomètres de là.  

 

 

A notre retour, la jeune fille des propriétaires nous offre un peu de pain et de la confiture. Pendant que nous jouons aux cartes sur les vieilles tables en bois recouvertes de toile cirée, les routiers font étape dans la grande salle à manger. Un petit moment de répit, une bonne soupe chaude, pour ces hommes qui assurent les longs trajets entre le Chili et la Bolivie. Beaucoup sont surpris de nous voir ici, plutôt une étape pour routiers qu’une auberge pour touristes. Nous sommes bien loin de la « Gringo track ». Il n’y a rien à voir. Il n’y a rien à faire. Ce sera pourtant l’un de mes meilleurs souvenirs au Chili. Juste le sentiment de partager un bref instant la vie de ces habitants des Andes. De se rendre compte de leurs rudes conditions de vie, dans ce village désertique sans cesse balayé par les vents. Et de ne pas être seulement un étranger, un portefeuille ambulant.

 

Nous reprenons la route. Sous les yeux intrigués d’un carabinero,  nous attendons le bus qui relie la Bolivie au Chili, assis seuls au bord du poste-frontière. Le véhicule approche. Ses passagers en descendent, passeports et bagages à la main, pour franchir la frontière chilienne. Une longue file indienne se forme devant le bâtiment au toit de tôles. Un douanier s’approche de deux femmes noires, leur demande sèchement leurs papiers. Une brève vérification, et un geste sans équivoque : le fonctionnaire chilien pointe son doigt vers la Bolivie. Pour une raison qui nous restera inconnue, les deux femmes ne peuvent entrer au Chili. Fin du voyage. Fin d’un espoir peut-être. Peu importe. L’image de ces deux femmes au regard perdu dans le vague fait peine à voir. Lourds bagages sur le dos, sous un soleil de plomb, elles repartent à pied vers le poste-frontière bolivien. Peut-être retenteront-elles leur chance demain ? Dans un mois ? Un an ? Peu importe. Les passeports n’ont décidemment pas la même valeur.

La barrière blanche et rouge de la frontière se lève, le bus avance. Les deux femmes noires continuent de marcher vers la Bolivie.

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